Le jeudi 23 mai, les étudiants en troisième année d’histoire de l’art de l’UPJV de Picardie se retrouvent un peu perdus dans une des grandes gares de la capitale tchèque. Leur destination: Kutnà Hora ! Ils comptent y visiter l’ossuaire et les alentours de la ville. Et c’est justement sur ces alentours que nous allons nous attarder.
Le charme de l’exploration de contrées inconnues est de tomber sur des joyaux auxquels nous ne nous attendions pas. Notre rencontre avec l’église Notre- Dame-de-l’Assomption-de-la-Vierge de Sedlec en est un parfait exemple. Cette église du XIIe siècle est l’un des joyaux de l’architecture gothique de la République Tchèque. Avec le célèbre Ossuaire de Sedlec, elle fait partie des bâtiments construits par la plus ancienne communauté cistercienne de Bohème, l’abbaye de Sedlec, fondée en 1142. Cette église abbatiale est donc le premier édifice de la région d’Europe centrale de plan gothique.
Bâtie sur les fondations d’un premier couvent, son constructeur serai le prétendu maitre du temple de Sedlec (1290-1320), personnage inconnu. Cette fabuleuse église, souvent appelée cathédrale, par sa grandeur, lie l’architecture des cathédrales gothiques du nord de la France à des éléments allemands. La guerre hussite (1420-1434), qui confronte les catholiques contre les partisans du théologien et réformateur religieux Jan Hus (1369-1415), fut fatale pour l’église Notre-Dame-de-l’Assomption-de- la-Vierge. Elle fut détruite en 1421, et resta en ruine jusqu’à sa restauration en 1699 par l’architecte Jan Blažej Santini-Aichel (1667-1723). Ainsi l’église pris un autre aspect: l’architecte garnit l’extérieur du bâtiment de pinacles (ouvrages en plomb ou pierre, de forme pyramidale ou conique), et fait élever une voute d’inspiration médiévale à l’intérieur. L’architecte restaurateur allie donc le style gothique d’origine, avec le style baroque, mélange très répandu dans l’entièreté de la Bohème. L’édit de tolérance du 13 octobre 1781, proclamé par l’empereur Joseph II (1780-1790), donne la liberté de culte aux luthériens et aux réformés. Cet amendement porta préjudice à l’abbatiale qui fut abandonnée en 1783 et fut déconsacrée. Dès 1806, l’édifice endossa la fonction d’église paroissiale de Sedlec et de la commune voisine de Malín, qu’elle remplie encore aujourd’hui. Depuis 1995, l’abbaye est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Après une grande restauration, principalement financée par le programme de préservation du patrimoine architectural du ministère de la Culture de la République tchèque, l’église Notre-Dame-de- l’Assomption-de-la-Vierge a été réouverte au public en 2009.
Bien loin de la foule et de l’atmosphère pesante et chargée de l’ossuaire, l’église est très claire et apaisante. Elle nous accueille chaleureusement au sein de ses murs jaunes et blancs, et nous invite à emprunter ses escaliers, afin de gagner de la hauteur. Cette église, d’une grande élévation, présente un décors intérieur épuré, hormis le choeur, ponctué de tableaux liturgiques, sous une immense voûte. La croisée du transept est surmontée d’une coupole décorée. Nous avons trouvé cette cathédrale gothique bien plus lumineuse que toutes celles visitées auparavant. Cet effet est sûrement dû aux couleurs des murs, ou même des vitraux verts, roses et bleus qui n’altèrent pas les rayons du soleil. Sa particularité: les combles sont ouvertes au public, ce qui permet la découverte inédite et fascinante de la majestueuse voûte depuis la charpente, et atteindre la tribune ouest, pour découvrir l’édifice sous un angle totalement différent. Cette tribune nous offre un point de vue inédit sur les édifices gothiques, en nous permettant de les admirer à hauteur de voûte. A juste titre, ces voûtes, pour nous étudiants, ont permis de nous apporter une dimension concrète à tous nos cours d’architecture médiévale. Quelques vestiges de la guerre hussite subsistent, par la présence d’ossements de moines assassinés, enfouis dans la maçonnerie des murs de l’église. De part et d’autre du chœur sont exposés deux reliquaires très particuliers: deux squelettes entièrement décorés, chacun allongé dans un caveau de verre. Le transept sud abrite un orgue monumental, et le transept nord l’escalier en colimaçon qui permet d’atteindre les combles. Cette ancienne abbatiale est typique d’un mélange de deux styles, qui permettent de mettre en valeur la hauteur et la subtilité du bâtiment. Elle fut la plus grande église de Bohème jusqu’à la construction de la cathédrale Saint-Guy de Prague, dans l’enceinte du château.
Rachel Blanchard, Louise Fouquet et Célia Rodrigues